Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/214

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et on offrit la souche à M. le curé, qui l’avait béni pourtant ! quelle dérision !

L’instituteur ne cacha pas sa manière de penser.

Bouvard et Pécuchet l’en félicitèrent un jour qu’ils passaient devant sa porte.

Le lendemain, il se présenta chez eux. À la fin de la semaine, ils lui rendirent sa visite.

Le jour tombait, les gamins venaient de partir, et le maître d’école, en bouts de manche, balayait la cour. Sa femme, coiffée d’un madras, allaitait un enfant. Une petite fille se cacha derrière sa jupe, un mioche hideux jouait par terre, à ses pieds ; l’eau du savonnage qu’elle faisait dans la cuisine coulait au bas de la maison.

— Vous voyez, dit l’instituteur, comme le gouvernement nous traite.

Et tout de suite, il s’en prit à l’infâme capital. Il fallait le démocratiser, affranchir la matière !

— Je ne demande pas mieux ! dit Pécuchet.

Au moins, on aurait dû reconnaître le droit à l’assistance.

— Encore un droit ! dit Bouvard.

N’importe ! le provisoire avait été mollasse, en n’ordonnant pas la fraternité.

— Tâchez donc de l’établir !

Comme il ne faisait plus clair, Petit commanda brutalement à sa femme de monter un flambeau dans son cabinet.

Des épingles fixaient aux murs de plâtre les portraits lithographiés des orateurs de la Gauche. Un casier avec des livres dominait un bureau de sapin. On avait, pour s’asseoir, une chaise, un tabouret et une vieille caisse à savon ; il affectait d’en rire. Mais la misère plaquait ses joues, et ses