Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/216

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— Libre à vous ! répliqua sèchement le prêtre.

Et, sans souci des étrangers, ou à cause d’eux :

— L’heure du catéchisme est trop courte !

Petit leva les épaules.

— Faites attention. Vous perdrez vos pensionnaires !

Les 10 francs par mois de ces élèves étaient le meilleur de sa place. Mais la soutane l’exaspérait :

— Tant pis, vengez-vous !

— Un homme de mon caractère ne se venge pas, dit le prêtre, sans s’émouvoir. Seulement, je vous rappelle que la loi du 15 mars nous attribue la surveillance de l’instruction primaire.

— Eh ! je le sais bien, s’écria l’instituteur. Elle appartient même aux colonels de gendarmerie ! Pourquoi pas au garde-champêtre ! ce serait complet !

Et il s’affaissa sur l’escabeau, mordant son poing, retenant sa colère, suffoqué par le sentiment de son impuissance.

L’ecclésiastique le toucha légèrement sur l’épaule.

— Je n’ai pas voulu vous affliger, mon ami ! Calmez-vous ! Un peu de raison !… Voilà Pâques bientôt : j’espère que vous donnerez l’exemple en communiant avec les autres.

— Ah ! c’est trop fort ! moi ! moi ! me soumettre à de pareilles bêtises !

Devant ce blasphème, le curé pâlit. Ses prunelles fulguraient. Sa mâchoire tremblait :

— Taisez-vous, malheureux ! taisez-vous !… Et c’est sa femme qui soigne les linges de l’église !

— Eh bien ! quoi ? Qu’a-t-elle fait ?