Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/265

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Elles parurent à Bouvard le délire d’un imbécile. Tout cela dépasse les bornes de la nature ! Qui les connaît cependant ? Et ils se livrèrent aux réflexions suivantes :

Des bateleurs peuvent illusionner une foule ; un homme ayant des passions violentes en remuera d’autres ; mais comment la seule volonté agirait-elle sur de la matière inerte ? Un Bavarois, dit-on, mûrit les raisins ; M. Gervais a ranimé un héliotrope ; un plus fort, à Toulouse, écarte les nuages.

Faut-il admettre une substance intermédiaire entre le monde et nous ? L’od, un nouvel impondérable, une sorte d’électricité, n’est pas autre chose, peut-être ? Ses émissions expliquent la lueur que les magnétisés croient voir, les feux errants des cimetières, la forme des fantômes.

Ces images ne seraient donc pas une illusion, et les dons extraordinaires des possédés, pareils à ceux des somnambules, auraient une cause physique ?

Quelle qu’en soit l’origine, il y a une essence, un agent secret et universel. Si nous pouvions le tenir, on n’aurait pas besoin de la force, de la durée. Ce qui demande des siècles se développerait en une minute ; tout miracle serait praticable et l’univers à notre disposition.

La magie provenait de cette convoitise éternelle de l’esprit humain. On a, sans doute, exagéré sa valeur, mais elle n’est pas un mensonge. Des Orientaux qui la connaissent exécutent des prodiges. Tous les voyageurs le déclarent, et, au Palais-Royal, M. Dupotet trouble avec son doigt l’aiguille aimantée.