Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/272

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

chapeau de feutre parut : c’était M. Vaucorbeil trottinant sur sa jument. Bouvard et Marcel le hélèrent.

La crise allait finir quand arriva le médecin. Pour mieux examiner Pécuchet, il lui souleva sa casquette, et apercevant un front couvert de plaques cuivrées :

— Ah ! ah ! fructus belli ! ce sont des syphilides mon bonhomme ! soignez-vous ! diable ! ne badinons pas avec l’amour.

Pécuchet, honteux, remit sa casquette, une sorte de béret bouffant sur une visière en forme de demi-lune, et dont il avait pris le modèle dans l’atlas d’Amoros.

Les paroles du docteur le stupéfièrent. Il y songeait, les yeux en l’air, et tout à coup fut ressaisi.

Vaucorbeil l’observait, puis d’une chiquenaude il fit tomber sa casquette.

Pécuchet recouvra ses facultés.

— Je m’en doutais, dit le médecin, la visière vernie vous hypnotise comme un miroir, et ce phénomène n’est pas rare chez les personnes qui considèrent un corps brillant avec trop d’attention.

Il indiqua comment pratiquer l’expérience sur des poules, enfourcha son bidet et disparut lentement.

Une demi-lieue plus loin, ils remarquèrent un objet pyramidal dressé à l’horizon, dans une cour de ferme. On aurait dit une grappe de raisin noir monstrueuse, piquée de points rouges çà et là. C’était, suivant l’usage normand, un long mât garni de traverses, où juchaient les dindes se rengorgeant au soleil.