Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/281

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conscience », l’éloge sempiternel de Dugald-Stewart, enfin tout ce verbiage, les écœura tellement que, sautant par-dessus la faculté de vouloir, ils entrèrent dans la logique.

Elle leur apprit ce qu’est l’analyse, la synthèse, l’induction, la déduction et les causes principales de nos erreurs.

Presque toutes viennent du mauvais emploi des mots.

« Le soleil se couche, — le temps se rembrunit, — l’hiver approche », locutions vicieuses et qui feraient croire à des entités personnelles, quand il ne s’agit que d’événements bien simples ! « Je me souviens de tel objet, de tel axiome, de telle vérité », illusion ! ce sont les idées, et pas du tout les choses, qui restent dans le moi, et la rigueur du langage exige « Je me souviens de tel acte de mon esprit par lequel j’ai perçu cet objet, par lequel j’ai déduit cet axiome, par lequel j’ai admis cette vérité ».

Comme le terme qui désigne un accident ne l’embrasse pas dans tous ses modes, ils tâchèrent de n’employer que des mots abstraits, si bien qu’au lieu de dire : « Faisons un tour, — il est temps de dîner, — j’ai la colique », ils émettaient ces phrases : « Une promenade serait salutaire, — voici l’heure d’absorber des aliments, — j’éprouve un besoin d’exonération ».

Une fois maîtres de la logique, ils passèrent en revue les différents critériums, d’abord celui du sens commun.

Si l’individu ne peut rien savoir, pourquoi tous les individus en sauraient-ils davantage ? Une erreur, fût-elle vieille de cent mille ans, par cela