Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/301

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bien-être, et leurs pensées, orageuses tout à l’heure, se faisaient douces, comme des vagues qui s’apaisent.

Ils écoutèrent l’Évangile et le Credo, observaient les mouvements du prêtre. Cependant les vieux, les jeunes, les pauvresses en guenilles, les fermières en haut bonnet, les robustes gars à blonds favoris, tous priaient, absorbés dans la même joie profonde, et voyaient sur la paille d’une étable rayonner comme un soleil le corps de l’Enfant-Dieu. Cette foi des autres touchait Bouvard en dépit de sa raison, et Pécuchet malgré la dureté de son cœur.

Il y eut un silence ; tous les dos se courbèrent, et, au tintement d’une clochette, le petit agneau bêla.

L’hostie fut montrée par le prêtre, au bout de ses deux bras, le plus haut possible. Alors éclata un chant d’allégresse qui conviait le monde aux pieds du Roi des Anges. Bouvard et Pécuchet, involontairement, s’y mêlèrent, et ils sentaient comme une aurore se lever dans leur âme.