Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/308

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Jean-Baptiste en cire ; le long du corridor, les portraits des gloires épiscopales, et, au bas de l’escalier, sous une lampe à chaînettes, une sainte Vierge en manteau d’azur et couronnée d’étoiles. Marcel nettoyait ces splendeurs, n’imaginant au paradis rien de plus beau.

Quel dommage que le saint Pierre fût brisé, et comme il aurait fait bien dans le vestibule ! Pécuchet s’arrêtait parfois devant l’ancienne fosse aux composts, où l’on reconnaissait la tiare, une sandale, un bout d’oreille ; lâchait des soupirs, puis continuait à jardiner, car maintenant il joignait les travaux manuels aux exercices religieux et bêchait la terre, vêtu de la robe de moine, en se comparant à saint Bruno. Ce déguisement pouvait être un sacrilège ; il y renonça.

Mais il prenait le genre ecclésiastique, sans doute par la fréquentation du curé. Il en avait le sourire, la voix, et, d’un air frileux, glissait comme lui dans ses manches ses deux mains jusqu’aux poignets. Un jour vint où le chant du coq l’importuna, les roses l’écœuraient ; il ne sortait plus ou jetait sur la campagne des regards farouches.

Bouvard se laissa conduire au mois de Marie. Les enfants qui chantaient des hymnes, les gerbes de lilas, les festons de verdure lui avaient donné comme le sentiment d’une jeunesse impérissable. Dieu se manifestait à son cœur par la forme des nids, la clarté des sources, la bienfaisance du soleil, et la dévotion de son ami lui semblait extravagante, fastidieuse.

— Pourquoi gémis-tu pendant le repas ?

— Nous devons manger en gémissant, répondit