Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/312

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Notre-Dame de lui envoyer une foi constante et indestructible.

Bouvard, dans un fauteuil à ses côtés, lui prit son Eucologe et s’arrêta aux litanies de la Vierge.

« Très pure, très chaste, vénérable, aimable, puissante, clémente, tour d’ivoire, maison d’or, porte du matin. »

Ces mots d’adoration, ces hyperboles l’emportèrent vers celle qui est célébrée par tant d’hommages.

Il la rêva comme on la figure dans les tableaux d’église, sur un amoncellement de nuages, des chérubins à ses pieds, l’Enfant-Dieu à sa poitrine ; mère des tendresses que réclament toutes les afflictions de la terre ; idéal de la femme transportée dans le ciel ; car, sorti de ses entrailles, l’homme exalte son amour et n’aspire qu’à reposer sur son cœur.

La messe étant finie, ils longèrent les boutiques qui s’adossent contre le mur du côté de la place. On y voit des images, des bénitiers, des urnes à filets d’or, des Jésus-Christ en noix de coco, des chapelets d’ivoire ; et le soleil, frappant les verres des cadres, éblouissait les yeux, faisait ressortir la brutalité des peintures, la hideur des dessins. Bouvard, qui, chez lui, trouvait ces choses abominables, fut indulgent pour elles. Il acheta une petite Vierge en pâte bleue. Pécuchet, comme souvenir, se contenta d’un rosaire.

Les marchands criaient :

— Allons ! allons ! pour cinq francs, pour trois francs, pour soixante centimes, pour deux sols, ne refusez pas Notre-Dame !