Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/340

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Et avant que le comte et la comtesse aient rien dit :

— Du reste, c’est de ma faute ; pardonnez-moi !

Elle leur avait caché que les deux orphelins étaient les enfants de Touache, maintenant au bagne.

Que faire ?

Si le comte les renvoyait, ils étaient perdus, et son acte de charité passerait pour un caprice.

M. Jeufroy ne fut pas surpris. L’homme étant corrompu naturellement, on doit le châtier pour l’améliorer.

Bouvard protesta. La douceur valait mieux.

Mais le comte, encore une fois, s’étendit sur le bras de fer indispensable aux enfants comme pour les peuples. Ces deux-là étaient pleins de vices : la petite fille menteuse, le gamin brutal. Ce vol, après tout, on l’excuserait ; l’insolence, jamais, l’éducation devant être l’école du respect.

Donc, Sorel, le garde-chasse, administrerait au jeune homme une bonne fessée immédiatement.

M. de Mahurot, qui avait à lui dire quelque chose, se chargea de la commission. Il prit un fusil dans l’antichambre et appela Victor, resté au milieu de la cour, la tête basse :

— Suis-moi ! dit le baron.

Comme la route pour aller chez le garde détournait peu de Chavignolles, M. Jeufroy, Bouvard et Pécuchet l’accompagnèrent.

À cent pas du château, il les pria de ne plus parler tant qu’il longerait le bois.

Le terrain dévalait jusqu’au bord de la rivière,