Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/36

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un domestique vint le chercher. On avait besoin de lui au château.

Son régisseur le remplaça, homme à figure chafouine et de façons obséquieuses.

Il conduisit « ces messieurs » vers un autre champ, où quatorze moissonneurs, la poitrine nue et les jambes écartées, fauchaient des seigles. Les fers sifflaient dans la paille qui se versait à droite. Chacun décrivait devant soi un large demi-cercle, et tous sur la même ligne, ils avançaient en même temps. Les deux Parisiens admirèrent leurs bras et se sentaient pris d’une vénération presque religieuse pour l’opulence de la terre.

Ils longèrent ensuite plusieurs pièces en labour. Le crépuscule tombait, des corneilles s’abattaient dans les sillons.

Puis ils rencontrèrent le troupeau. Les moutons, çà et là, pâturaient et on entendait leur continuel broutement. Le berger, assis sur un tronc d’arbre, tricotait un bas de laine, ayant son chien près de lui.

Le régisseur aida Bouvard et Pécuchet à franchir un échalier, et ils traversèrent deux masures, où des vaches ruminaient sous les pommiers.

Tous les bâtiments de la ferme étaient contigus et occupaient les trois côtés de la cour. Le travail s’y faisait à la mécanique, au moyen d’une turbine, utilisant un ruisseau qu’on avait exprès détourné. Des bandelettes de cuir allaient d’un toit à l’autre, et au milieu du fumier une pompe de fer manœuvrait.

Le régisseur fit observer dans les bergeries de petites ouvertures à ras du sol, et dans les cases