Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/377

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Le notaire exigeait un châtiment rigoureux, et que Victor, entre autres, ne fréquentât plus le catéchisme, afin de prévenir des collisions nouvelles.

Bouvard et Pécuchet, bien que blessés par son ton rogue, promirent tout ce qu’il voulut, calèrent.

Victor avait-il obéi au sentiment de l’honneur ou de la vengeance ? En tout cas, ce n’était point un lâche.

Mais sa brutalité les effrayait ; la musique adoucissait les mœurs, Pécuchet imagina de lui apprendre le solfège.

Victor eut beaucoup de peine à lire couramment les notes et à ne pas confondre les termes adagio, presto et sforzando.

Son maître s’évertua à lui expliquer la gamme, l’accord parfait, la diatonique, la chromatique, et les deux espèces d’intervalles, appelés majeur et mineur.

Il le fit se mettre tout droit, la poitrine en avant, les épaules bien effacées, la bouche grande ouverte, et, pour l’instruire par l’exemple, poussa des intonations d’une voix fausse ; celle de Victor lui sortait péniblement du larynx, tant il le contractait ; quand un soupir commençait la mesure, il partait tout de suite ou trop tard.

Pécuchet néanmoins aborda le chant en partie double. Il prit une baguette pour tenir lieu d’archet, et faisait aller son bras magistralement, comme s’il avait eu un orchestre derrière lui ; mais occupé par deux besognes, il se trompait de temps, son erreur en amenait d’autres chez l’élève, et, fronçant les sourcils, tendant les muscles de