Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/54

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de printemps, Bouvard gardait sa veste de tricot sous sa blouse, Pécuchet sa vieille redingote sous sa serpillière, et les gens qui passaient le long de la claire-voie les entendaient tousser dans le brouillard.

Quelquefois Pécuchet tirait de sa poche son manuel ; et il en étudiait un paragraphe, debout, avec sa bâche auprès de lui, dans la pose du jardinier qui décorait le frontispice du livre. Cette ressemblance le flatta même beaucoup. Il en conçut plus d’estime pour l’auteur.

Bouvard était continuellement juché sur une haute échelle devant les pyramides. Un jour, il fut pris d’un étourdissement, et n’osant plus descendre, cria pour que Pécuchet vînt à son secours.

Enfin des poires parurent ; et le verger avait des prunes. Alors ils employèrent contre les oiseaux tous les artifices recommandés. Mais les fragments de glace miroitaient à éblouir, la cliquette du moulin à vent les réveillait pendant la nuit, et les moineaux perchaient sur le mannequin. Ils en firent un second, et même un troisième, dont ils varièrent le costume, inutilement.

Cependant, ils pouvaient espérer quelques fruits. Pécuchet venait d’en remettre la note à Bouvard, quand tout à coup le tonnerre retentit et la pluie tomba, une pluie lourde et violente. Le vent, par intervalles, secouait toute la surface de l’espalier, les tuteurs s’abattaient l’un après l’autre, et les malheureuses quenouilles en se balançant entre-choquaient leurs poires.

Pécuchet surpris par l’averse s’était réfugié dans la cahute. Bouvard se tenait dans la cuisine. Ils