Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/78

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acharné sur le crâne, perdit courage devant le sphénoïde, bien qu’il ressemble à une « selle turque ou turquesque ».

Quant aux articulations, trop de ligaments les cachaient, et ils attaquèrent les muscles.

Mais les insertions n’étaient pas commodes à découvrir, et, parvenus aux gouttières vertébrales, ils y renoncèrent complètement.

Pécuchet dit alors :

— Si nous reprenions la chimie, ne serait-ce que pour utiliser le laboratoire ?

Bouvard protesta, et il crut se rappeler que l’on fabriquait à l’usage des pays chauds des cadavres postiches.

Barberou, auquel il écrivit, lui donna là-dessus des renseignements. Pour dix francs par mois, on pouvait avoir un des bonshommes de M. Auzoux, et, la semaine suivante, le messager de Falaise déposa devant leur grille une caisse oblongue.

Ils la transportèrent dans le fournil, pleins d’émotion. Quand les planches furent déclouées, la paille tomba, les papiers de soie glissèrent, le mannequin apparut.

Il était couleur brique, sans chevelure, sans peau, avec d’innombrables filets bleus, rouges et blancs le bariolant. Cela ne ressemblait point à un cadavre, mais à une espèce de joujou, fort vilain, très propre, et qui sentait le vernis.

Puis ils enlevèrent le thorax, et ils aperçurent les deux poumons, pareils à deux éponges ; le cœur tel qu’un gros œuf, un peu de côté par derrière, le diaphragme, les reins, tout le paquet des entrailles.

— À la besogne ! dit Pécuchet.