Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/87

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ils se détournaient dans la campagne, sitôt qu’apparaissait un chien ressemblant à celui-là.

Les autres expériences échouèrent. Contrairement aux auteurs, les pigeons qu’ils saignèrent, l’estomac plein ou vide, moururent dans le même espace de temps. Des petits chats enfoncés sous l’eau périrent au bout de cinq minutes ; et une oie, qu’ils avaient bourrée de garance, offrit des périostes d’une entière blancheur.

La nutrition les tourmentait.

Comment se fait-il que le même suc produise des os, du sang, de la lymphe et des matières excrémentielles ? Mais on ne peut suivre les métamorphoses d’un aliment. L’homme qui n’use que d’un seul est chimiquement pareil à celui qui en absorbe plusieurs. Vauquelin, ayant calculé toute la chaux contenue dans l’avoine d’une poule, en retrouva davantage dans les coquilles de ses œufs.

Donc, il se fait une création de substance. De quelle manière ? on n’en sait rien.

On ne sait même pas quelle est la force du cœur. Borelli admet celle qu’il faut pour soulever un poids de cent quatre-vingt mille livres, et Kiell l’évalue à huit onces environ, d’où ils conclurent que la physiologie est (suivant un vieux mot) le roman de la médecine. N’ayant pu la comprendre, ils n’y croyaient pas.

Un mois se passa dans le désœuvrement. Puis ils songèrent à leur jardin.

L’arbre mort, étalé dans le milieu, était gênant ; ils l’équarrirent. Cet exercice les fatigua. Bouvard avait, très souvent, besoin de faire arranger ses outils chez le forgeron.

Un jour qu’il s’y rendait, il fut accosté par un