Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/96

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Quel problème que celui du déjeuner ! Ils quittèrent le café au lait, sur sa détestable réputation, et ensuite le chocolat ; — car c’est « un amas de substances indigestes ». Restait donc le thé. Mais « les personnes nerveuses doivent se l’interdire complètement ». Cependant Decker, au XVIIe siècle, en prescrivait vingt décalitres par jour, afin de nettoyer les marais du pancréas.

Ce renseignement ébranla Morin dans leur estime, d’autant plus qu’il condamne toutes les coiffures, chapeaux, bonnets et casquettes, exigence qui révolta Pécuchet.

Alors ils achetèrent le traité de Becquerel, où ils virent que le porc est en soi-même « un bon aliment », le tabac d’une innocence parfaite, et le café « indispensable aux militaires ».

Jusqu’alors ils avaient cru à l’insalubrité des endroits humides. Pas du tout ! Casper les déclare moins mortels que les autres. On ne se baigne pas dans la mer sans avoir rafraîchi sa peau ; Bégin veut qu’on s’y jette en pleine transpiration. Le vin pur après la soupe passe pour excellent à l’estomac ; Lévy l’accuse d’altérer les dents. Enfin, le gilet de flanelle, cette sauvegarde, ce tuteur de la santé, ce palladium chéri de Bouvard et inhérent à Pécuchet, sans ambages ni crainte de l’opinion, des auteurs le déconseillent aux hommes pléthoriques et sanguins.

Qu’est-ce donc que l’hygiène ?

— « Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au delà », affirme M. Lévy, et Becquerel ajoute qu’elle n’est pas une science.

Alors ils se commandèrent pour leur dîner des huîtres, un canard, du porc aux choux, de la