Aller au contenu

Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale éd. Conard.djvu/174

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tout est gras, fondu, copieux, tranquille et soleillant, un vrai Rubens ! Elles sont parfaites cependant ! Où est le type alors ?

Il s’échauffait.

— Qu’est-ce qu’une belle femme ? Qu’est-ce que le beau ? Ah ! le beau ! me direz-vous…

Frédéric l’interrompit pour savoir ce qu’était un Pierrot à profil de bouc, en train de bénir tous les danseurs au milieu d’une pastourelle.

— Rien du tout ! un veuf, père de trois garçons. Il les laisse sans culottes, passe sa vie au club, et couche avec la bonne.

— Et celui-là, costumé en Bailli, qui parle dans l’embrasure de la fenêtre à une marquise Pompadour ?

— La marquise, c’est Mme Vandaël, l’ancienne actrice du Gymnase, la maîtresse du Doge, le comte de Palazot. Voilà vingt ans qu’ils sont ensemble ; on ne sait pourquoi. Avait-elle de beaux yeux, autrefois, cette femme-là ! Quant au citoyen près d’elle, on le nomme le capitaine d’Herbigny, un vieux de la vieille, qui n’a pour toute fortune que sa croix d’honneur et sa pension, sert d’oncle aux grisettes dans les solennités, arrange les duels et dîne en ville.

— Une canaille ? dit Frédéric.

— Non ! un honnête homme !

— Ah !

L’artiste lui en nomma d’autres encore, quand, apercevant un monsieur qui portait, comme les médecins de Molière, une grande robe de serge noire, mais bien ouverte de haut en bas, afin de montrer toutes ses breloques :

— Ceci vous représente le docteur Des Rogis,