Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale éd. Conard.djvu/185

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Débardeuse se disloquait comme un clown, le Pierrot avait des façons d’orang-outang, la Sauvagesse, les bras écartés, imitait l’oscillation d’une chaloupe. Enfin tous, n’en pouvant plus, s’arrêtèrent ; et on ouvrit une fenêtre.

Le grand jour entra, avec la fraîcheur du matin. Il y eut une exclamation d’étonnement, puis un silence. Les flammes jaunes vacillaient, en faisant de temps à autre éclater leurs bobèches ; des rubans, des fleurs et des perles jonchaient le parquet ; des taches de punch et de sirop poissaient les consoles ; les tentures étaient salies, les costumes fripés, poudreux ; les nattes pendaient sur les épaules ; et le maquillage, coulant avec la sueur, découvrait des faces blêmes, dont les paupières rouges clignotaient.

La Maréchale, fraîche comme au sortir d’un bain, avait les joues roses, les yeux brillants. Elle jeta au loin sa perruque ; et ses cheveux tombèrent autour d’elle comme une toison, ne laissant voir de tout son vêtement que sa culotte, ce qui produisit un effet à la fois comique et gentil.

La Sphinx, dont les dents claquaient de fièvre, eut besoin d’un châle.

Rosanette courut dans sa chambre pour le chercher, et, comme l’autre la suivait, elle lui ferma la porte au nez, vivement.

Le Turc observa, tout haut, qu’on n’avait pas vu sortir M. Oudry. Aucun ne releva cette malice, tant on était fatigué.

Puis, en attendant les voitures, on s’embobelina dans les capelines et les manteaux. Sept heures sonnèrent. L’Ange était toujours dans la salle,