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Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale éd. Conard.djvu/247

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III



Alors commença pour Frédéric une existence misérable. Il fut le parasite de la maison.

Si quelqu’un était indisposé, il venait trois fois par jour savoir de ses nouvelles, allait chez l’accordeur de piano, inventait mille prévenances : et il endurait d’un air content les bouderies de Mlle Marthe et les caresses du jeune Eugène, qui lui passait toujours ses mains sales sur la figure. Il assistait aux dîners où Monsieur et Madame, en face l’un de l’autre, n’échangeaient pas un mot : ou bien Arnoux agaçait sa femme par des remarques saugrenues. Le repas terminé, il jouait dans la chambre avec son fils, se cachait derrière les meubles, ou le portait sur son dos, en marchant à quatre pattes, comme le Béarnais. Il s’en allait enfin ; et elle abordait immédiatement l’éternel sujet de plainte : Arnoux.

Ce n’était pas son inconduite qui l’indignait. Mais elle paraissait souffrir dans son orgueil, et laissait voir sa répugnance pour cet homme sans délicatesse, sans dignité, sans honneur.