Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale éd. Conard.djvu/264

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j’aurai des rentrées ! On me doit peut-être… cinquante mille francs pour la fin du mois !

— Est-ce que vous ne pourriez pas prier les individus qui vous doivent d’avancer… ?

— Ah, bien, oui !

— Mais vous avez des valeurs quelconques, des billets ?

— Rien !

— Que faire ? dit Frédéric.

— C’est ce que je me demande, reprit Arnoux.

Il se tut, et il marchait dans la chambre de long en large.

— Ce n’est pas pour moi, mon Dieu ! mais pour mes enfants, pour ma pauvre femme !

Puis, en détachant chaque mot :

— Enfin… je serai fort… j’emballerai tout cela… et j’irai chercher fortune… je ne sais où !

— Impossible ! s’écria Frédéric.

Arnoux répliqua d’un air calme :

— Comment voulez-vous que je vive à Paris, maintenant ?

Il y eut un long silence.

Frédéric se mit à dire :

— Quand le rendriez-vous, cet argent ?

Non pas qu’il l’eût ; au contraire ! Mais rien ne l’empêchait de voir des amis, de faire des démarches. Et il sonna son domestique pour s’habiller. Arnoux le remerciait.

— C’est dix-huit mille francs qu’il vous faut, n’est-ce pas ?

— Oh ! je me contenterais de seize mille ! Car j’en ferai bien deux mille cinq cents, trois mille avec mon argenterie, si Vanneroy, toutefois,