Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale éd. Conard.djvu/325

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Il empoigna la baguette qui servait à allumer le gaz, arrondit le bras gauche, plia le droit, et se mit à pousser des bottes contre la cloison. Il frappait du pied, s’animait, feignait même de rencontrer des difficultés, tout en criant : « Y es-tu, là ? y es-tu ? », et sa silhouette énorme se projetait sur la muraille, avec son chapeau qui semblait toucher au plafond. Le limonadier disait de temps en temps : « Bravo ! très bien ! » Son épouse également l’admirait, quoique émue ; et Théodore, un ancien soldat, en restait cloué d’ébahissement, étant, du reste, fanatique de M. Regimbart.

Le lendemain, de bonne heure, Frédéric courut au magasin de Dussardier. Après une suite de pièces, toutes remplies d’étoffes garnissant des rayons, ou étendues en travers sur des tables, tandis, que, çà et là, des champignons de bois supportaient des châles, il l’aperçut dans une espèce de cage grillée, au milieu de registres, et écrivant debout sur un pupitre. Le brave garçon lâcha immédiatement sa besogne.

Les témoins arrivèrent avant midi. Frédéric, par bon goût, crut devoir ne pas assister à la conférence.

Le baron et M. Joseph déclarèrent qu’ils se contenteraient des excuses les plus simples. Mais Regimbart, ayant pour principe de ne céder jamais, et qui tenait à défendre l’honneur d’Arnoux (Frédéric ne lui avait point parlé d’autre chose), demanda que le Vicomte fît des excuses. M. de Comaing fut révolté de l’outrecuidance. Le Citoyen n’en voulut pas démordre. Toute conciliation devenant impossible, on se battrait.

D’autres difficultés surgirent ; car le choix des