Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale éd. Conard.djvu/379

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besoin de tes capitaux ! Une personne indifférente n’aurait pas eu l’espèce de syncope qui l’a prise.

— Vraiment ? s’écria Frédéric.

— Ah ! mon gaillard, tu te trahis ! Sois franc, voyons !

Une lâcheté immense envahit l’amoureux de Mme  Arnoux.

— Mais non !… je t’assure !… ma parole d’honneur !

Ces molles dénégations achevèrent de convaincre Deslauriers. Il lui fit des compliments. Il lui demanda « des détails ». Frédéric n’en donna pas, et même résista à l’envie d’en inventer.

Quant à l’hypothèque, il lui dit de ne rien faire, d’attendre. Deslauriers trouva qu’il avait tort, et même fut brutal dans ses remontrances.

Il était d’ailleurs plus sombre, malveillant et irascible que jamais. Dans un an, si la fortune ne changeait pas, il s’embarquerait pour l’Amérique ou se ferait sauter la cervelle. Enfin il paraissait si furieux contre tout et d’un radicalisme tellement absolu que Frédéric ne put s’empêcher de lui dire :

— Te voilà comme Sénécal.

Deslauriers, à ce propos, lui apprit qu’il était sorti de Sainte-Pélagie, l’instruction n’ayant point fourni assez de preuves, sans doute, pour le mettre en jugement.

Dans la joie de cette délivrance, Dussardier voulut « offrir un punch », et pria Frédéric « d’en être », en l’avertissant toutefois qu’il se trouverait avec Hussonnet, lequel s’était montré excellent pour Sénécal.

En effet, le Flambard venait de s’adjoindre un