Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale éd. Conard.djvu/388

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Frédéric ne pouvait faire autrement que de retourner chez Arnoux. Il monta dans le magasin, et ne vit personne. La maison de commerce croulant, les employés imitaient l’incurie de leur patron.

Il côtoya la longue étagère, chargée de faïences, qui occupait d’un bout à l’autre le milieu de l’appartement ; puis, arrivé au fond, devant le comptoir, il marcha plus fort pour se faire entendre.

La portière se relevant, Mme Arnoux parut.

— Comment, vous ici ! vous !

— Oui, balbutia-t-elle, un peu troublée. Je cherchais…

Il aperçut son mouchoir près du pupitre, et devina qu’elle était descendue chez son mari pour se rendre compte, éclaircir sans doute une inquiétude.

— Mais… vous avez peut-être besoin de quelque chose ? dit-elle.

— Un rien, madame.

— Ces commis sont intolérables ! ils s’absentent toujours.

On ne devait pas les blâmer. Au contraire, il se félicitait de la circonstance.

Elle le regarda ironiquement.

— Eh bien, et ce mariage ?

— Quel mariage ?

— Le vôtre !

— Moi ? Jamais de la vie !

Elle fit un geste de dénégation.

— Quand cela serait, après tout ? On se réfugie dans le médiocre, par désespoir du beau qu’on a rêvé !