Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale éd. Conard.djvu/397

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Son retour à Paris et les embarras du jour de l’an suspendirent un peu leurs entrevues. Quand il revint, il avait, dans les allures, quelque chose de plus hardi. Elle sortait à chaque minute pour donner des ordres, et recevait, malgré ses prières, tous les bourgeois qui venaient la voir. On se livrait alors à des conversations sur Léotade, M. Guizot, le Pape87, l’insurrection de Palerme88 et le banquet du xiie arrondissement89, lequel inspirait des inquiétudes. Frédéric se soulageait en déblatérant contre le Pouvoir ; car il souhaitait, comme Deslauriers, un bouleversement universel, tant il était maintenant aigri. Mme Arnoux, de son côté, devenait sombre.

Son mari, prodiguant les extravagances, entretenait une ouvrière de la manufacture, celle qu’on appelait la Bordelaise. Mme Arnoux l’apprit elle-même à Frédéric. Il voulait tirer de là un argument « puisqu’on la trahissait ».

— Oh ! je ne m’en trouble guère ! dit-elle.

Cette déclaration lui parut affermir complètement leur intimité. Arnoux s’en méfiait-il ?

— Non ! pas maintenant !

Elle lui conta qu’un soir, il les avait laissés en tête-à-tête, puis était revenu, avait écouté derrière la porte, et, comme tous deux parlaient de choses indifférentes, il vivait, depuis ce temps-là, dans une entière sécurité :

— Avec raison, n’est-ce pas ? dit amèrement Frédéric.

— Oui, sans doute !

Elle aurait fait mieux de ne pas risquer un pareil mot.

Un jour, elle ne se trouva point chez elle, à