Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale éd. Conard.djvu/443

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Ce fut un paroxysme, un délire. On se pressait les côtes. Quelques-uns même tombaient par terre, sous les bancs. Compain, n’y tenant plus, se réfugia près de Regimbart et il voulait l’entraîner.

— Non ! je reste jusqu’au bout ! dit le Citoyen.

Cette réponse détermina Frédéric ; et, comme il cherchait de droite et de gauche ses amis pour le soutenir, il aperçut, devant lui, Pellerin à la tribune. L’artiste le prit de haut avec la foule.

— Je voudrais savoir un peu où est le candidat de l’Art dans tout cela ? Moi, j’ai fait un tableau…

— Nous n’avons que faire des tableaux ! dit brutalement un homme maigre, ayant des plaques rouges aux pommettes.

Pellerin se récria qu’on l’interrompait.

Mais l’autre, d’un ton tragique :

— Est-ce que le Gouvernement n’aurait pas dû déjà abolir, par un décret, la prostitution et la misère ?

Et, cette parole lui ayant livré tout de suite la faveur du peuple, il tonna contre la corruption des grandes villes.

— Honte et infamie ! On devrait happer les bourgeois au sortir de la Maison d’or et leur cracher à la figure ! Au moins, si le Gouvernement ne favorisait pas la débauche ! Mais les employés de l’octroi sont envers nos filles et nos sœurs d’une indécence…

Une voix proféra de loin :

— C’est rigolo !

— À la porte !