Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale éd. Conard.djvu/526

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

depuis l’affaire du Conservatoire126, appartenait à Changarnier : « Dieu merci, Changarnier… Espérons que Changarnier… Oh ! rien à craindre tant que Changarnier… 127 ».

On exaltait avant tout M. Thiers pour son volume contre le Socialisme, où il s’était montré aussi penseur qu’écrivain. On riait énormément de Pierre Leroux, qui citait à la Chambre des passages des philosophes. On faisait des plaisanteries sur la queue phalanstérienne. On allait applaudir la Foire aux Idées ; et on comparait les auteurs à Aristophane. Frédéric y alla, comme les autres.

Le verbiage politique et la bonne chère engourdissaient sa moralité. Si médiocres que lui parussent ces personnages, il était fier de les connaître et intérieurement souhaitait la considération bourgeoise. Une maîtresse comme Mme Dambreuse le poserait.

Il se mit à faire tout ce qu’il faut.

Il se trouvait sur son passage à la promenade, ne manquait pas d’aller la saluer dans sa loge au théâtre ; et, sachant les heures où elle se rendait à l’église, il se campait derrière un pilier dans une pose mélancolique. Pour des indications de curiosités, des renseignements sur un concert, des emprunts de livres ou de revues, c’était un échange continuel de petits billets. Outre sa visite du soir, il lui en faisait quelquefois une autre vers la fin du jour ; et il avait une gradation de joies à passer successivement par la grande porte, par la cour, par l’antichambre, par les deux salons ; enfin, il arrivait dans son boudoir, discret comme un tombeau, tiède comme une