Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale éd. Conard.djvu/559

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insistait là-dessus. Du reste, beaucoup de personnes qui auraient voté en sa faveur, par considération pour M. Dambreuse, l’abandonneraient maintenant. Deslauriers était de ceux-là. N’ayant plus rien à attendre du capitaliste, il lâchait son protégé.

Frédéric porta sa lettre à Mme Dambreuse.

— Tu n’as donc pas été à Nogent ? dit-elle.

— Pourquoi ?

— C’est que j’ai vu Deslauriers il y a trois jours.

Sachant la mort de son mari, l’avocat était venu rapporter des notes sur les houilles et lui offrir ses services comme homme d’affaires. Cela parut étrange à Frédéric ; et que faisait son ami, là-bas ?

Mme Dambreuse voulut savoir l’emploi de son temps depuis leur séparation.

— J’ai été malade, répondit-il.

— Tu aurais dû me prévenir, au moins.

— Oh ! cela n’en valait pas la peine.

D’ailleurs, il avait eu une foule de dérangements, des rendez-vous, des visites.

Il mena dès lors une existence double, couchant religieusement chez la Maréchale et passant l’après-midi chez Mme Dambreuse, si bien qu’il lui restait à peine, au milieu de la journée, une heure de liberté.

L’enfant était à la campagne, à Andilly. On allait le voir toutes les semaines.

La maison de la nourrice se trouvait sur la hauteur du village, au fond d’une petite cour sombre comme un puits, avec de la paille par terre, des poules çà et là, une charrette à légumes sous le hangar. Rosanette commençait par baiser fré-