Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale éd. Conard.djvu/95

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— Mon Dieu ! s’écria-t-il, comme je suis chagrin d’avoir brisé l’ombrelle de Mme  Arnoux.

À ce mot, le marchand releva la tête, et eut un singulier sourire. Frédéric, prenant l’occasion qui s’offrait de parler d’elle, ajouta timidement :

— Est-ce que je ne pourrai pas la voir ?

Elle était dans son pays, près de sa mère malade.

Il n’osa faire de questions sur la durée de cette absence. Il demanda seulement quel était le pays de Mme  Arnoux.

— Chartres ! Cela vous étonne ?

— Moi ? non ! pourquoi ? Pas le moins du monde !

Ils ne trouvèrent, ensuite, absolument rien à se dire. Arnoux, qui s’était fait une cigarette, tournait autour de la table, en soufflant. Frédéric, debout contre le poêle, contemplait les murs, l’étagère, le parquet ; et des images charmantes défilaient dans sa mémoire, devant ses yeux plutôt. Enfin il se retira.

Un morceau de journal, roulé en boule, traînait par terre, dans l’antichambre ; Arnoux le prit ; et, se haussant sur la pointe des pieds, il l’enfonça dans la sonnette, pour continuer, dit-il, sa sieste interrompue. Puis, en lui donnant une poignée de main :

— Avertissez le concierge, s’il vous plaît, que je n’y suis pas !

Et il referma la porte sur son dos, violemment.

Frédéric descendit l’escalier marche à marche. L’insuccès de cette première tentative le décourageait sur le hasard des autres. Alors commencèrent trois mois d’ennui. Comme il n’avait