Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale (1891).djvu/158

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Prends garde à ses ailes ! » cria par la fenêtre la Débardeuse.

On était sur le palier quand Mlle Vatnaz dit à Rosanette :

— « Adieu, chère ! C’était très bien, ta soirée. »

Puis se penchant à son oreille :

— « Garde-le ! »

— « Jusqu’à des temps meilleurs », reprit la Maréchale en tournant le dos, lentement.

Arnoux et Frédéric s’en revinrent ensemble, comme ils étaient venus. Le marchand de faïence avait un air tellement sombre, que son compagnon le crut indisposé.

— « Moi ? pas du tout ! »

il se mordait la moustache, fronçait les sourcils, et Frédéric lui demanda si ce n’était pas ses affaires qui le tourmentaient.

— « Nullement ! »

Puis tout à coup :

— « Vous le connaissiez, n’est-ce pas, le père Oudry ? »

Et, avec une expression de rancune :

— « Il est riche, le vieux gredin ! »

Ensuite, Arnoux parla d’une cuisson importante que l’on devait finir aujourd’hui, à sa fabrique. Il voulait la voir. Le train partait dans une heure. « Il faut cependant que j’aille embrasser ma femme. »

— « Ah ! sa femme ! » pensa Frédéric.

Puis il se coucha, avec une douleur intolérable à l’occiput ; et il but une carafe d’eau, pour calmer sa soif.

Une autre soif lui était venue, celle des femmes, du luxe et de tout ce que comporte l’existence parisienne. Il se sentait quelque peu étourdi, comme un homme qui descend d’un vaisseau ; et, dans l’hallucination du premier sommeil, il voyait passer et repasser continuellement les épaules de la Poissarde, les reins de la Débardeuse, les mollets de la Polonaise, la chevelure de la