Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale (1891).djvu/177

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quer ce qu’il savait, il lui demanda en manière de conversation si Arnoux avait toujours ses terrains de Belleville.

— « Oui, toujours. »

— « Il est maintenant dans une compagnie pour du kaolin de Bretagne, je crois ? »

— « C’est vrai. »

— « Sa fabrique marche très bien, n’est-ce pas ? »

— « Mais… je le suppose. »

Et, comme il hésitait :

— « Qu’avez-vous donc ? vous me faites peur ! »

Il lui apprit l’histoire des renouvellements.

Elle baissa la tête, et dit :

— « Je m’en doutais »

En effet, Arnoux, pour faire une bonne spéculation, s’était refusé à vendre ses terrains, avait emprunté dessus largement, et, ne trouvant point d’acquéreurs, avait cru se rattraper par l’établissement d’une manufacture. Les frais avaient dépassé les devis. Elle n’en savait pas davantage ; il éludait toute question et affirmait continuellement que « ça allait très bien ».

Frédéric tâcha de la rassurer. C’étaient peut-être des embarras momentanés. Du reste, s’il apprenait quelque chose, il lui en ferait part.

— « Oh ! oui, n’est-ce pas ? » dit-elle, en joignant ses deux mains, avec un air de supplication charmant.

Il pouvait donc lui être utile. Le voilà qui entrait dans son existence, dans son cœur.

Arnoux parut.

— « Ah ! comme c’est gentil, de venir me prendre pour dîner ! »

Frédéric en resta muet.

Arnoux paria de choses indifférentes, puis avertit sa femme qu’il rentrerait fort tard, ayant un rendez-vous avec M. Oudry.

— « Chez lui ? »

— « Mais certainement, chez lui. »