Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale (1891).djvu/492

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— « Eh bien, Arnoux !… vous savez ce qui arrive ? »

— « Non ! Quoi ? »

— « Ça devait finir comme ça, du reste ! »

— « Qu’est-ce donc ? »

— « Il est peut-être maintenant… Pardon »

L’artiste se leva pour exhausser la tête du petit cadavre.

— « Vous disiez… » reprit Frédéric.

Et Pellerin, tout en clignant pour mieux prendre ses mesures :

— « Je disais que notre ami Arnoux est peut-être, maintenant, coffré ! »

Puis, d’un ton satisfait :

— « Regardez un peu ! Est-ce ça ? »

— « Oui, très bien ! Mais Arnoux ? »

Pellerin déposa son crayon.

— « D’après ce que j’ai pu comprendre, il se trouve poursuivi par un certain Mignot, un intime de Regimbart, une bonne tête, celui-là, hein ? Quel idiot ! figurez-vous qu’un jour… »

— « Eh ! il ne s’agit pas de Regimbart ! »

— « C’est vrai. Eh bien, Arnoux, hier au soir, devait trouver douze mille francs, sinon, il était perdu. »

— « Oh ! c’est peut-être exagéré », dit Frédéric.

— « Pas le moins du monde ! Ça m’avait l’air grave, très grave »

Rosanette, à ce moment, reparut avec des rougeurs sous les paupières, ardentes comme des plaques de fard.

Elle se mit près du carton et regarda. Pellerin fit signe qu’il se taisait à cause d’elle. Mais Frédéric, sans y prendre garde :

— « Cependant, je ne peux pas croire… »

— « Je vous répète que je l’ai rencontré hier », dit l’artiste, « à sept heures du soir, rue Jacob. Il avait même son passeport, par précaution ; et il parlait de s’embarquer au Havre, lui et toute sa smala. »

— « Comment ! Avec sa femme ? »