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LA TENTATION DE SAINT ANTOINE

Les filles des Pharaons se faisaient ensépulturer dans des coffres taillés à mon image, et Sérapis ne s’ouvrait que pour recevoir ma momie. Mais, quand un rayon de soleil avait fécondé la génisse, on accourait me prendre dans mon herbage. Des processions me conduisaient, les castagnettes sonnaient dans les blés, le cistre grinçait sur les bateaux ; — et du désert, du rivage, de la plaine et des montagnes, l’Égypte accourant se prosternait autour de moi. J’étais Osiris ! j’étais Dieu ! j’étais le Démiurge apparu, l’Âme incarnée, le Grand-Tout qui se faisait visible, pacifique et beau !

Il s’arrête, en reniflant.

Qu’est-ce donc ? je vois des hommes rouges qui apportent des charbons, avec des couteaux, et qui retroussent leurs bras !

LE DIABLE

Bel Epaphus, ils t’égorgeront, ils te dévoreront, te tanneront et l’on battra les esclaves avec tes jarrets desséchés.

Apis s’en va tout en boitant et en mugissant.
ANTOINE, regardant le Diable :

Eh bien ?

Le Diable se tait ; mais alors paraissent à la file l’un de l’autre, et se suivant immédiatement, comme les per-