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IV[1]

LES PYGMÉES, qui chantent devant saint Antoine.

Petits bonshommes, nous grouillons sur la terre comme la vermine sur le dos d’un gueux. On a beau nous écraser, nous brûler, nous noyer, nous abattre : nous reparaissons continuellement, toujours plus vivaces et plus nombreux, terribles par la quantité.

Notre Empire est superbe. Avec bonne chance, on y fait fortune. Avec un caractère, on s’y trouve heureux. Nous avons des penseurs, des vidangeurs, des courtisanes, des naturalistes et des chapeliers. On sort et l’on rentre. On s’attable et l’on rit. On se couche, on se chamaille, et l’on s’aime. On a des

idées, on raisonne, on s’exalte. Les coquilles de noix traversent le ruisseau. Les matelots sont pâles, car la tempête est affreuse. Les chasseurs, dans

  1. Pages 334 et suiv. du manuscrit de 1849.