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XXV
préface

ouvre la troisième partie. Jusque dans la forme et dans l’agencement des scènes, il semble qu’on distingue encore une influence lointaine de la méthode spinoziste. Les visions de l’ascète se déroulent, s’engendrent et se détruisent les unes les autres, à la façon des modes, dans la Substance.

Pour Flaubert comme pour Spinoza, l’Univers se réduit à un jeu d’apparences, mais ces apparences sont réglées par un déterminisme qui exclut l’intervention du miracle et de la liberté humaine. Ce que nous appelons le Mal est aussi nécessaire que le Bien : il procède de la même cause et se manifeste selon les mêmes lois. Il naît, évolue et disparaît en vertu d’un ordre aussi inflexible que son contraire. Le meilleur n’a pas plus de raisons pour prolonger son existence que le pire. Toutes les civilisations, toutes les religions, — bonnes ou mauvaises, indistinctement, — ont subi le destin de la destruction inévitable. Le christianisme aussi mourra…

Et nous voici au cœur même du sujet. Comme dans une moralité du moyen âge, le sujet du Saint Antoine, c’est, d’une façon générale, le triomphe de la Foi sur l’Erreur, du Vice sur la Vertu, et, d’une façon particulière, le triomphe problématique, le salut d’une âme. Malgré les