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la tentation de saint antoine

la croix aura atteint cette pierre, je commencerai mes oraisons.

Il se promène tout doucement de long en large, les bras pendants.

Le ciel pâlit, le gypaëte tournoie, les palmiers frissonnent, la lune va se lever, et demain ? le soleil reviendra ! puis il se couchera, et toujours ainsi ! toujours !… moi, je me réveillerai, je prierai, j’achèverai ces corbeilles que je livre à des pasteurs pour qu’ils m’apportent du pain. Ensuite je prierai, je me réveillerai… et toujours ainsi ! toujours !

Il soupire.

Ô mon Dieu ! les fleuves s’ennuient-ils à laisser couler leurs ondes ! la mer se fatigue-t-elle de battre ses rivages, et les arbres, quand ils se tordent dans les grands vents, n’ont-ils pas des envies de partir avec les oiseaux qui rasent leurs sommets ?

Il regarde l’ombre de la croix.

Encore la largeur de deux sandales et ce sera le moment de la prière, il le faut !

Une tortue s’avance entre les roches. Antoine la regarde.

Vraiment cet animal est fort joli !

Puis il s’endort.