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Page:Flaubert - Le Candidat.djvu/119

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plusieurs ! Il me monte à la tête… comme des bouillons ! et je me sens, ma parole, un toupet infernal !

« Et c’est à moi que ceci s’adresse, monsieur ! » Celui-là est en face ; marquons-le ! (Il dérange une chaise et la pose au milieu.) « À moi que ceci s’adresse, à moi ! » Avec les deux mains sur la poitrine, en me baissant un peu. « À moi, qui, pendant quarante ans… à moi, dont le patriotisme… à moi que… à moi pour lequel… » puis, tout à coup : « Ah ! vous ne le croyez pas vous-même, monsieur ! » Et on reste sans bouger ! Il réplique : « Vos preuves alors ! donnez vos preuves ! Ah ! prenez garde ! On ne se joue pas de la crédulité publique ! » Il ne trouve rien. « Vous vous taisez ! ce silence vous condamne ! J’en prends acte ! » Un peu d’ironie, maintenant ! On lui lance quelque chose de caustique, avec un rire de supériorité. « Ah ! ah ! » Essayons le rire de supériorité. « Ah ! ah ! ah ! je m’avoue vaincu, effectivement ! Parfait ! » Mais deux autres qui sont là ! — je les reconnaîtrai, — s’écrient que je m’insurge contre nos institutions, ou n’importe quoi. Alors d’un ton furieux : « Mais vous niez le progrès ! » Développement du mot progrès : « Depuis l’astronome avec son télescope qui, pour le hardi nautonnier… jusqu’au modeste villageois baignant de ses sueurs… le prolétaire de nos villes… l’artiste dont l’inspiration… » Et je continue jusqu’à une phrase, où je trouve le moyen d’introduire le mot « bourgeoisie ». Tout de suite : éloge de la bourgeoisie, le tiers État, les