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Page:Flaubert - Le Candidat.djvu/177

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Scène IX.

ROUSSELIN, seul, regardant au fond.

Il aura le temps ! on a encore cinq minutes ! Dans cinq minutes le scrutin ferme, et alors ?…

Je ne rêve donc pas ! C’est bien vrai ! je pourrais le devenir ! Oh ! circuler dans les bureaux, se dire membre d’une commission, être choisi quelquefois comme rapporteur, ne parler toujours que budget, amendements, sous-amendements, et à participer à un tas de choses… d’une conséquence infinie ! Et chaque matin je verrai mon nom imprimé dans tous les journaux, même dans ceux dont je ne connais pas la langue !

Le jeu ! la chasse ! les femmes ! est-ce qu’on aime quelque chose comme ça ? Mais pour l’obtenir, je donnerais ma fortune, mon sang, tout ! Oui ! j’ai bien donné ma fille ! ma pauvre fille ! (Il pleure.) J’ai des remords maintenant ; car je ne saurai jamais si Bouvigny a tenu parole. On ne signe pas les votes !

(Quatre heures sonnent.) C’est fait ! On dépouille le scrutin ; ce sera vite fini ! À quoi vais-je m’occuper pendant ce temps-là ? Quelques intimes, quand ce ne serait que Murel qui est si actif, devraient être ici pour m’apprendre les premiers bulletins !

Oh ! les hommes ! dévouez-vous donc pour eux ! Si le pays ne me nomme pas… Eh ! bien, tant pis ! qu’il en trouve d’autres ! J’aurai fait mon devoir !