Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale éd. Conard.djvu/265

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m’accorde jusqu’à demain ; et, je vous le répète, vous pouvez affirmer, jurer au prêteur que, dans huit jours, peut-être même dans cinq ou six, l’argent sera remboursé. D’ailleurs, l’hypothèque en répond. Ainsi, pas de danger, vous comprenez ?

Frédéric assura qu’il comprenait et qu’il allait sortir immédiatement.

Il resta chez lui, maudissant Deslauriers, car il voulait tenir sa parole, et cependant obliger Arnoux.

« Si je m’adressais à M. Dambreuse ? Mais sous quel prétexte demander de l’argent ? C’est à moi, au contraire, d’en porter chez lui pour ses actions de houilles ! Ah ! qu’il aille se promener avec ses actions ! Je ne les dois pas ! »

Et Frédéric s’applaudissait de son indépendance, comme s’il eût refusé un service à M. Dambreuse.

« — Eh bien, se dit-il ensuite, puisque je fais une perte de ce côté-là car je pourrais, avec quinze mille francs, en gagner cent mille ! À la Bourse, ça se voit quelquefois… Donc, puisque je manque à l’un, ne suis-je libre ?… D’ailleurs, quand Deslauriers attendrait ! — Non, non, c’est mal, allons-y ! »

Il regarda sa pendule.

« Ah ! rien ne presse ! la Banque ne ferme qu’à cinq heures. »

Et, à quatre heures et demie, quand il eut touché son argent :

« C’est inutile, maintenant ! Je ne le trouverais pas ; j’irai ce soir ! » se donnant ainsi le moyen de revenir sur sa décision, car il reste toujours dans