Page:Flaubert - Madame Bovary, Conard, 1910.djvu/19

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Une œuvre réaliste devait nécessairement succéder à Salammbô. Ce fut l’Éducation sentimentale, histoire d’un jeune homme. Commencée en 1863, elle ne fut terminée qu’en février 1869. « Il y a dans ce roman, écrit une correspondante de Flaubert, Mme Roger des Genettes, l’écho de tout ce qui est en nous, les espoirs et les tristesses, l’éternel recommencement de nos désirs qui se brise contre l’impassible nature. L’avortement de tout fait la grandeur et la mélancolie de cette œuvre. » L’Éducation fut moins comprise encore que Salammbô. Ce livre, peut-être le préféré de l’auteur, ce livre où vit Mme Arnoux, le plus beau de ses personnages, ce livre qui, vers 1880, deviendra la bible de toute une génération littéraire, passa inaperçu.

Cette indifférence, le Maître ne la remarqua même pas. Il venait de recevoir le coup le plus cruel qui pouvait le frapper : Louis Bouilhet était mort le 19 juillet. Il faut lire la préface que Flaubert écrivit pour les Dernières chansons. On y trouvera les larmes les plus pures qu’ait jamais versées l’amitié en deuil. Jusqu’à son dernier jour, le survivant gardera pieusement le cher souvenir « comme un oratoire domestique où murmurer son chagrin et détendre son cœur ».

Pour s’arracher à sa peine, Flaubert reprend encore une fois la Tentation, quand la guerre éclate. « Il fut patriote douloureusement, ingénument, raconte M. Lanson, tout comme le bourgeois Thiers qu’il abhorrait ou le démocrate