Page:Flaubert - Madame Bovary, Conard, 1910.djvu/424

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— Appelle ta bonne, disait Charles. Tu sais bien, ma petite, que ta maman ne veut pas qu’on la dérange.

L’automne commençait et déjà les feuilles tombaient, — comme il y a deux ans, lorsqu’elle était malade ! — Quand donc tout cela finira-t-il !… Et il continuait à marcher, les deux mains derrière le dos.

Madame était dans sa chambre. On n’y montait pas. Elle restait là tout le long du jour, engourdie, à peine vêtue, et, de temps à autre, faisant fumer des pastilles du sérail qu’elle avait achetées à Rouen, dans la boutique d’un Algérien. Pour ne pas avoir la nuit, auprès d’elle, cet homme étendu qui dormait, elle finit, à force de grimaces, par le reléguer au second étage ; et elle lisait jusqu’au matin des livres extravagants où il y avait des tableaux orgiaques avec des situations sanglantes. Souvent une terreur la prenait, elle poussait un cri, Charles accourait.

— Ah ! va-t’en ! disait-elle.

Ou, d’autres fois, brûlée plus fort par cette flamme intime que l’adultère avivait, haletante, émue, tout en désir, elle ouvrait sa fenêtre, aspirait l’air froid, éparpillait au vent sa chevelure trop lourde, et, regardant les étoiles, souhaitait des amours de prince. Elle pensait à lui, à Léon. Elle eût alors tout donné pour un seul de ces rendez-vous, qui la rassasiaient.

C’étaient ses jours de gala. Elle les voulait splendides ! et, lorsqu’il ne pouvait payer seul la dépense, elle complétait le surplus libéralement, ce qui arrivait à peu près toutes les fois. Il essaya de lui faire comprendre qu’ils seraient aussi bien