Page:Flaubert - Madame Bovary, Conard, 1910.djvu/637

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fixe, ce n’est pas que nous soyons contents de notre choix, c’est que nous sommes loués de notre inconstance. »
 

« Tout lui paraît vide, faux, dégoûtant dans les créatures : loin d’y retrouver ces premiers charmes, dont son cœur avait eu tant de peine à se défendre, elle n’en voit plus que le frivole, le danger, la vanité. »

 

« Je ne parle pas d’un engagement de passion ; quelles frayeurs que le mystère n’éclate ! que de mesures à garder du côté de la bienséance et de la gloire ! que d’yeux à éviter ! que de surveillants à tromper ! que de retours à craindre sur la fidélité de ceux qu’on a choisis pour les ministres et les confidents de sa passion ! quels rebuts à essuyer de celui, peut-être, à qui on a sacrifié son honneur et sa liberté, et dont on n’oserait se plaindre ! À tout cela, ajoutez ces moments cruels où la passion moins vive nous laisse le loisir de retomber sur nous-mêmes, et de sentir toute l’indignité de notre état ; ces moments où le cœur, né pour les plaisirs plus solides, se lasse de ses propres idoles, et trouve son supplice dans ses dégoûts et dans son inconstance. Monde profane ! si c’est là cette félicité que tu nous vantes tant, favorises-en tes adorateurs ; et punis-les en les rendant ainsi heureux, de la foi qu’ils ont ajoutée si légèrement à tes promesses. »

Laissez-moi vous dire ceci : quand un homme, dans le silence des nuits, a médité sur les causes des entraînements de la femme, quand il les a trouvées dans l’éducation et que pour les exprimer, se défiant de ses observations personnelles, il a été se mûrir aux sources que je viens d’indiquer, quand il ne s’est laissé aller à prendre la plume qu’après s’être inspiré des pensées de Bossuet et de Massillon, permettez-moi de vous demander s’il y a un mot pour vous exprimer ma surprise, ma douleur en voyant traduire cet homme en police correctionnelle — pour quelques passages de son livre, et précisément pour les idées et les sentiments les plus vrais et les plus élevés qu’il ait pu rassembler ! Voilà ce que je vous prie de ne pas oublier relativement à l’inculpation d’outrage à la morale religieuse. Et puis, si vous me le permettez, je mettrai en regard de tout ceci, sous vos yeux, ce que j’appelle, moi, des atteintes à la morale, c’est-à-dire la satisfaction des sens sans amertume, sans ces larges gouttes de sueur glacée, qui tombent du front chez ceux qui s’y livrent ; et je ne vous citerai pas des livres licencieux dans lesquels les auteurs ont cherché à exciter les sens, je vous citerai un livre — qui est donné en prix dans les collèges, mais je vous demanderai la permission de ne vous dire le nom de l’auteur qu’après que je vous en aurai lu un passage. Voici ce passage ; je vous ferai passer le volume ; c’est un exemplaire qui a été donné en prix à un élève de collège ; j’aime mieux vous remettre cet exemplaire que celui de M. Flaubert :