Page:Flaubert - Madame Bovary, Conard, 1910.djvu/74

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créations, comprenait bien le catéchisme, et c’est elle qui répondait toujours à M. le vicaire, dans les questions difficiles. Vivant donc sans jamais sortir de la tiède atmosphère des classes et parmi ces femmes au teint blanc, portant des chapelets à croix de cuivre, elle s’assoupit doucement à la langueur mystique qui s’exhale des parfums de l’autel, de la fraîcheur des bénitiers et du rayonnement des cierges. Au lieu de suivre la messe, elle regardait dans son livre les vignettes pieuses bordées d’azur, et elle aimait la brebis malade, le sacré cœur percé de flèches aiguës, ou le pauvre Jésus, qui tombe en marchant sur sa croix. Elle essaya, par mortification, de rester tout un jour sans manger. Elle cherchait dans sa tête quelque vœu à accomplir.

Quand elle allait à confesse, elle inventait de petits péchés, afin de rester là plus longtemps, à genoux dans l’ombre, les mains jointes, le visage à la grille sous le chuchotement du prêtre. Les comparaisons de fiancé, d’époux, d’amant céleste et de mariage éternel qui reviennent dans les sermons lui soulevaient au fond de l’âme des douceurs inattendues.

Le soir, avant la prière, on faisait dans l’étude une lecture religieuse. C’était, pendant la semaine, quelque résumé d’Histoire sainte ou les Conférences de l’abbé Frayssinous, et, le dimanche, des passages du Génie du christianisme, par récréation. Comme elle écouta, les premières fois, la lamentation sonore des mélancolies romantiques se répétant à tous les échos de la terre et de l’éternité ! Si son enfance se fût écoulée dans l’arrière-boutique d’un quartier marchand, elle se serait