Page:Flaubert - Notes de voyages, I.djvu/115

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au mât de la tente. — Nos armes sont croisées sur les bâtons, les Arabes sont assis en rond autour de leur feu, ou dorment enveloppés de leurs couvertures dans des fossés qu’ils creusent dans le sable avec leurs mains ; ils sont couchés là comme des cadavres dans leur linceul. Je m’endors dans ma pelisse, savourant toutes ces choses ; les Arabes chantent un canzone monotone, j’en entends un qui raconte une histoire : voilà la vie du désert.

À 2 heures, Joseph nous réveille croyant que c’est le jour, ce n’était qu’un nuage blanc en face, à l’horizon, et les Arabes avaient pris Sirius pour Vénus. Je fume une pipe à la belle étoile, regardant le ciel ; un chacal hurle.

Ascension. — Levé à 5 heures le premier, je fais ma toilette devant la tente, dans le seau de toile. Nous entendons quelques cris de chacal. — Montée de la Grande Pyramide, celle de droite (Chéops). Les pierres, qui, à deux cents pas de distance, semblent grandes comme des pavés, n’en ont pas moins, les plus petites, trois pieds de haut ; généralement elles vous viennent à la poitrine. Nous montons par l’angle de gauche (celui qui regarde la Pyramide de Céphren) ; les Arabes me poussent, me tirent, je n’en peux plus, c’est désespérant d’éreintement. Je m’arrête cinq ou six fois en route, Maxime est parti devant et va vite. Enfin j’arrive en haut.

Nous attendons le lever du soleil une bonne demi-heure.

Le soleil se levait en face de moi ; toute la vallée du Nil, baignée dans le brouillard, semblait une mer blanche immobile, et le désert derrière, avec