Page:Flaubert - Notes de voyages, I.djvu/132

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reste plus longtemps sur sa femme, quelquefois une heure. Il a été jadis très riche, a été marié 21 fois et s’est ruiné.

Nous avons eu ce jour-là, après notre déjeuner, des danseurs, le fameux Hassan el-Bilbesi, et un autre avec des musiciens ; son compagnon eût été remarqué sans lui. Pour costume à tous les deux, de larges pantalons et une veste brodée, les yeux peints avec de l’antimoine (koheull). La veste descend jusqu’à l’épigastre, tandis que les pantalons, retenus par une énorme ceinture de cachemire pliée en plusieurs doubles, ne commencent à peu près qu’au pubis, de sorte que tout le ventre, les reins et la naissance des fesses sont à nu, à travers une gaze noire retenue par les vêtements inférieurs et supérieurs. Elle se ride sur les hanches comme une onde transparente à tous les mouvements qu’ils font. La flûte aigre, tarabouk, vous sonne dans la poitrine ; le chanteur domine tout.

Voici la traduction de ce que chantait le chanteur pendant la danse :

« Un objet turc d’une taille svelte possède des regards aiguisés et pénétrants.

« Les amants, à cause d’eux, ont passé la nuit dans les fers de l’esclavage.

« Je sacrifie mon âme pour l’amour d’un faon qui a su enchaîner des lions.

« Mon Dieu, qu’il est doux de sucer, de sucer le nectar de sa bouche !

« Ce nectar-là n’est-il pas la cause de ma langueur et de mon dépérissement ?

« Ô pleine lune, c’est assez de rigueur et de tourments ; il est temps que tu accomplisses la promesse que tu as faite à l’amoureux languissant.