Page:Flaubert - Notes de voyages, I.djvu/162

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la partie grotesque ; on a mis sur les yeux de l’enfant un petit voile noir, et on a rabattu sur les yeux du vieux musicien un bourrelet de son turban bleu. Ruchiouk s’est déshabillée en dansant. Quand on est nu, on ne garde plus qu’un fichu avec lequel on fait mine de se cacher et on finit par jeter le fichu ; voilà en quoi consiste l’abeille.

Du reste elle a dansé très peu de temps et n’aime plus à danser cette danse. — Joseph, animé, battant des mains : « là, eu, nia, oh ! eu nia, oh ! » Enfin, quand après avoir sauté de ce fameux pas, les jambes passant l’une devant l’autre, elle est revenue haletante se coucher sur le coin de son divan, où son corps remuait encore en mesure, on lui a jeté son grand pantalon blanc rayé de rose, dans lequel elle est entrée jusqu’au cou, et on a dévoilé les deux musiciens.

Quand elle était accroupie, dessin magnifique et tout à fait sculptural de ses rotules.

Autre danse : on met par terre une tasse de café ; elle danse devant, puis tombe sur les genoux et continue à danser du torse, jouant toujours des crotales, et faisant dans l’air une sorte de brasse comme en nageant. Cela continuant toujours, peu à peu la tête se baisse, on arrive jusqu’au bord de la tasse que l’on prend avec les dents, et elle se relève vivement d’un bond.

Elle ne se souciait pas trop que nous restions à coucher chez elle, de peur des voleurs qui viennent lorsqu’ils savent qu’il y a des étrangers. Des gardes ou maquereaux (auxquels elle ne ménageait pas les coups) ont couché en bas dans la chambre à côté, avec Joseph et la négresse, esclave d’Abyssinie qui portait à chaque bras la cicatrice