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Page:Flaubert - Notes de voyages, I.djvu/294

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des m..... et l’on ne voit que des ruines : c’est énorme de tristesse.

Vendredi 9, 5 heures. — Jérusalem, Hôtel de Palmyre. — En revenant de chez M. Botta, où nous avons rencontré des messieurs alsaciens.

JÉRUSALEM[1].

11 août 1850.

Voilà le troisième jour que nous sommes à Jérusalem, aucune des émotions prévues d’avance ne m’y est encore survenue : ni enthousiasme religieux, ni excitation d’imagination, ni haine des prêtres, ce qui au moins est quelque chose. Je me sens, devant tout ce que je vois, plus vide qu’un tonneau creux. Ce matin, dans le Saint-Sépulcre, il est de fait qu’un chien aurait été plus ému que moi. À qui la faute, Dieu de miséricorde ? à eux ? à vous ? ou à moi ? À eux, je crois, à moi ensuite, à vous surtout. Mais comme tout cela est faux ! comme ils mentent ! comme c’est badigeonné, plaqué, verni, fait pour l’exploitation, la propagande et l’achalandage ! Jérusalem est un charnier entouré de murs ; la première chose curieuse que nous y ayons rencontrée, c’est la boucherie. Dans une sorte de place carrée, couverte de monticules d’immondices, un grand trou ; dans le trou, du sang caillé, des tripes, des m....., des boyaux noirâtres et bruns, presque calcinés au soleil, tout

  1. Copie du carnet de route. Ces notes n’ont pas été mises au net. Voir Correspondance, I, p. 432 et suivantes.