Page:Flaubert - Notes de voyages, I.djvu/313

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j’aie vu. Sur la terrasse de la maison il y a du raisin, Stéphano en a cueilli ; il n’était pas encore tout à fait mûr, grosses grappes, violet, blanc.

Vendredi 16. — Expédition du Jourdain et de la mer Morte. — À mesure que l’on s’éloigne de Jérusalem, la route devient moins pierreuse ; elle ne fait, jusqu’à Jéricho, que monter et descendre. Sheik Mohammed, blond, turban blanc, bottes rouges, et deux autres hommes du village de Siloë nous font escorte ; nous rencontrons beaucoup de Bédouins avec leurs chameaux, qui vont vendre du blé à Jérusalem, c’est jour de bazar. Affreux drôles à mine peu rassurante, chaussés de toute espèce de façons, depuis les grosses bottes rouges jusqu’à la simple semelle rattachée avec des cordes ; autour du corps une grosse et large ceinture de cuir ; cofiehs. Tous ou presque tous ont des fusils longs, à nombreuses capucines de cuir. N’importe quoi, mis sur le dos d’un Bédouin, devient bédouin, c’est ce qui explique que c’est toujours la même couleur, quoique composée d’éléments différents. Quelques-uns sont tête nue ; leurs femmes ont des yeux énormes, couleur de café brûlé, lèvres peintes en bleu.

Au fond d’une gorge en entonnoir nous apercevons deux constructions : une sorte d’arcade, et à côté, trois ou quatre autres en ruine ; c’est le puits de la Samaritaine. Nous haltons là quelques instants ; il y avait des ânes, des chameaux et des Bédouins au repos, tous pêle-mêle. Le soleil tapait dessus et la montagne tout autour. Un chameau va au haut de la montée, en face de moi ; il montait lentement. Vu en raccourci, je ne voyais que son train de derrière, l’air passait entre ses jambes