Page:Flaubert - Notes de voyages, I.djvu/317

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tout près de nous, un grand arbre penché. Je bois de l’eau à la berge, sur les cailloux, à côté d’un mulet qui buvait comme moi, pendant qu’Abou-Issa, avec sa mine pacifique, le tenait par le licol. Les Arabes de ces pays appellent les Bédouins de l’autre côté du fleuve : nemré (tigres). Le Jourdain à cet endroit a peut-être la largeur de la Toucque à Pont-l’Évêque. La verdure continue encore quelque temps, puis tout à coup s’arrête et l’on entre dans une immense plaine blanche. À droite on a le bourrelet blanc de la première chaîne des montagnes qui sont du côté de Jérusalem.

Mer Morte. — La mer Morte, par son immobilité et sa couleur, rappelle tout de suite un lac. Il n’y a rien sur ses bords immédiats ; cependant, un peu de temps avant d’arriver à elle, à droite, quelque verdure. Ses bords sont couverts de troncs d’arbres desséchés et de morceaux de bois, épaves apportées sans doute par le Jourdain. L’eau me paraît avoir la température d’un bain ordinaire ; elle est très claire, contre mon attente. Sassetti qui en goûte, se brûle la langue ; ayant soif, je n’ai pas tenté l’expérience. Nous faisons passer nos chevaux dans l’eau pour aller sur un petit îlot de cailloux, distant de la rive d’environ 60 pas. À ma gauche, je compte quatre montagnes ou quatre grandes divisions de la montagne ; la seconde est la plus foncée de toutes, elle est presque brune, puis ça va en se dégradant de ton sensiblement, et la quatrième se perd dans la brume de l’horizon. La couleur de la montagne de droite (celle qu’il faut passer pour aller à Saint-Saba) a du blanc en bas, c’est la première chaîne de collines. Mais dans sa généralité c’est du gris