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NOTES DE VOYAGES.

L’église Saint-Laurent : toute blanche et noire ; trois portails byzantins. C’est une église italienne où l’on aime à entrer parce qu’on est bien à l’ombre de ses marbres. Le mot d’Heine : « Le catholicisme est une religion d’été » est juste, mais c’est plus encore : c’est l’âme qui s’y sent en été. Comme on aimerait là, le soir à l’angélus, vers la fête-Dieu, quand l’autel est jonché de bouquets ! Dans une chapelle à gauche, statues d’Adam et d’Ève ; celle d’Ève, surtout, avec sa peau d’animal sur la taille, le jour tombant du haut dessinait des ombres qui l’animaient ; teintes neigeuses et animées.

Enterrement sur la place de la Cathédrale. La maison n’était pas tendue. Grand appareil, c’était un homme riche. Les moines, ou les frères de la confrérie destinée aux enterrements, étaient vêtus de longues robes noires avec un caphardum sur le visage, et portaient des cierges d’une main, de l’autre un gros bouquet de fleurs comme pour aller au bal. Suivaient des chanoines en robes rouges, gras, luisants de santé, d’aplomb, de bien-être et marchant comme des conseillers de cour royale. Il y aurait, sur cet usage des fleurs à l’enterrement, trop de choses à dire pour ne rien dire. Est-ce du paganisme ? est-ce pour atténuer l’effet lugubre, ou pour l’augmenter ? Il est plus large et plus juste, je crois, de ne pas conclure.

J’ai vu aussi un autre enterrement, c’était à l’Annonciata ; j’ai suivi le convoi qui entrait dans l’église. Le mort était porté sur les épaules de ses anciens frères ; le moine, en robe grise, était tout couché dans son cercueil, qui n’avait pas de couvercle ; il avait le visage découvert, ses mains jointes tenaient un crucifix. On chantait fort et