Page:Flaubert - Notes de voyages, I.djvu/364

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de l’an en Europe et des foires Saint-Romain à Rouen.

La nuit, quantité de puces respectable, tintamarre de volailles, de chiens, de femmes qui se disputent et d’enfants qui crient, d’hommes qui font des comptes. Quand tout semble calmé, l’hôtesse vient près du feu où se chauffait une chienne qui allaitait ses petits, prend à propos de rien les petits et les jette par-dessus le mur comme des balles. Le plus tranquille de la nuit fut un chameau qu’il y avait dans la cour. Dans l’écurie se tenait, couché sur le flanc, un pauvre âne qui se crevait, raide comme un mort et qui n’avait plus la force que de remuer une patte.

Vers le Liban. — Mercredi matin, à 5 heures et demie, nous nous séparons, Maxime va reconduire à Beyrout Joseph, qui a toutes les peines du monde à se lever, et moi, menant tout le bagage, je prends le chemin du Liban avec Sassetti. Il est petit jour, il fait froid. La première partie du Liban, celle qui vient de Baalbek, est verte et divisée elle-même en deux parties, comme deux grands flots, l’un qui veut monter par-dessus l’autre ; la première est la plus boisée et pourrait presque passer pour une forêt, ce sont tous caroubiers. À mesure qu’on s’élève, le Liban grandit, et l’Anti-Liban quand on se retourne, et la plaine quand on regarde à droite ou à gauche ; puis un plateau qui s’incline un peu en pente et qu’on descend. Au bas de cette espèce de plaine inclinée et plantée, coule un ruisseau, torrent d’eau glacée qui descend de la montagne ; il saute de place en place par cascades naturelles ; à une place, un peu plus haut, il se rencontre avec un autre,