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Page:Flaubert - Notes de voyages, I.djvu/402

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mur d’appui, une vieille femme file au fuseau, debout près de moi ; elle a l’air doux, pas de dents, menton en galoche, ses cheveux sont plus blancs que le coton qu’elle file. De crainte des puces, je vais me coucher sur la terrasse d’une maison voisine, à côté des mulets, j’y reste sous mes vêtements et sous la pluie jusqu’à 2 heures du matin. Le ciel était couvert d’étoiles, de temps à autre un nuage passait dessus, les voilait, et crevait sur moi, puis le ciel s’éclaircissait de nouveau sur ma gauche, les étoiles reparaissaient et les nuages revenaient ; j’écoutais la pluie tomber sur le capuchon de mon paletot rabattu sur ma figure, comme sur la capote d’un cabriolet. À la fin, me trouvant au milieu d’une mare, je suis rentré dans le gîte où tout le monde dormait par terre, Maxime près de la cheminée éteinte. Au bout d’une heure, où j’étais resté assis les coudes sur les genoux, je me suis couché par terre, le plus près possible de la porte, et j’ai dormi jusqu’à six heures.

De Laëma à Lindo, on descend ; la terre, mouillée par la pluie de la nuit, était grasse, recouverte des détritus de la forêt, nos mulets marchaient dessus sans bruit, des nuages bas s’envolaient, levés par le vent frais du matin. Les pins s’égouttent, le soleil passe à travers, la verdure a des tons d’or et de bronze, d’or dans les lumières, de bronze dans les ombres. — Grandes places de la forêt, brûlées, manière de défricher à laquelle je suis habitué depuis la Corse. Quelquefois un pin est brûlé par le bas, il a repris vigueur et est verdoyant par la tête.

Nous tournons dans le Sud, je marche à pied pour me délasser de mon mulet. — Un golfe, la